Je suis né à Montréal de parents d’origine libanaise. J’ai un handicap auditif depuis ma naissance, mais qui n’est pas génétique. Quand j’étais bébé, ma mère avait remarqué que je réagissais à certains bruits et pas à d’autres, puisque je ne suis pas totalement sourd. À l’âge de sept mois, on m’a diagnostiqué une hypoacousie neurosensorielle. Ce sont mes neurones qui ne captent pas bien les sons.
Qu’est-ce qui t’a poussé à entreprendre des études de médecine?
J’ai toujours aimé aider les autres. Quand j’étais jeune, je voulais devenir professeur. J’ai grandi en passant beaucoup de temps en consultation chez des ORL [otorhinolaryngologistes] à cause de mon handicap auditif. Je fais aussi beaucoup de sport : je joue dans l’équipe nationale de handball du Canada. Je me suis souvent blessé et j’ai été suivi par un physiothérapeute. C’est ce qui a été le déclic. Au cégep, j’avais les notes pour poursuivre des études de médecine, alors je me suis dit pourquoi pas!
Qu’est-ce qui te permet de réussir malgré ton handicap?
Je suis vraiment têtu! Quand j’ai quelque chose en tête, je vais jusqu’au bout. C’est une forme de résilience. Lorsque je vis des difficultés, par exemple si l’on me fait une remarque sur mon articulation, au lieu de le prendre mal, je travaille encore plus pour m’améliorer. Je suis parfois un peu trop ambitieux et j’ai tendance à m’en mettre beaucoup sur les épaules. Mais je suis aussi très organisé, ce qui me permet d’accomplir beaucoup de choses.
Quels sont tes défis au quotidien?
Pour une personne qui n’a pas de problème d’audition, entendre ne demande aucun effort. Moi, ça me prend beaucoup d’énergie, même si je porte des appareils auditifs. Parfois, à l’hôpital ou en classe, mon cerveau n’est plus capable d’enregistrer l’information et je tombe dans la lune. En médecine, il y a beaucoup de communications et d’apprentissages par les pairs. Il faut que je me place face aux gens pour pouvoir lire sur leurs lèvres et je n’ai pas toujours envie de leur dire de parler plus clairement. Si je ne suis pas concentré, je pourrais passer à côté d’informations importantes. Lorsque je rentre à la maison, je suis épuisé et je n’ai pas toujours l’énergie qu’il faut pour étudier. Mon autre défi, c’est l’articulation. Quand je parle, je dois faire attention de bien prononcer les mots. Je sais que, à la seconde où j’arrête d’y penser, mon articulation prend le bord!
Comment l’UdeM a-t-elle contribué à ton intégration?
Il y a Léonie du SESH [Soutien aux étudiants en situation de handicap], qui a toujours été là pour moi. Dès que je lui écris, elle me répond rapidement pour me proposer des solutions à mes enjeux. La Faculté de médecine est aussi très compréhensive. Dans les cours magistraux, une personne prend des notes pour moi. Pendant la pandémie, un plus petit groupe a été créé afin qu’on soit assez distancés pour ne pas porter de masque. Quand je ne comprenais pas ce que le professeur disait, cette personne me le répétait en lecture labiale. Ça m’a vraiment aidé à suivre le cours.
Quel conseil donnerais-tu aux personnes en situation de handicap nouvellement inscrites à l’UdeM?
C’est correct de se sentir dépassé au début et moins bon que les autres. Ce qui est important, c’est la manière de réagir à cette impression. Peu importe le handicap, il y a toujours moyen de s’améliorer. Le but, ce n’est pas d’être meilleur que les autres, mais de se dépasser soi-même.