Kinda Wassef

Redonner à la communauté
Kinda Wassef (elle)
Titulaire d’une maîtrise en santé publique
École de santé publique
J’ai grandi au Liban et je suis arrivée à Montréal en 2017 pour faire un baccalauréat en science à l’Université McGill. J’ai pour seule famille au Canada une tante qui travaille en santé publique. C’est un peu grâce à elle si je m’y suis intéressée. En 2021, je me suis jointe à l’équipe de Qollab, un laboratoire rattaché à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et au Centre de recherche en santé publique. Nos travaux portent sur la santé des communautés 2ELGBTQIA+. Cette expérience m’a donné envie de poursuivre mes études à la maîtrise en santé publique, pour approfondir mes connaissances sur ces questions et les faire avancer de manière concrète.
J’ai travaillé sur différents projets liés aux communautés 2ELGBTQIA+, notamment sur la santé mentale, l’équité en santé, l’accès aux soins, la prévention du suicide et la consommation de substances. Mon premier projet pour Qollab portait sur la consommation de cannabis chez les jeunes LGBTQ+ de 15 à 24 ans. On cherchait à comprendre ce qui les pousse à consommer et quels sont les effets de cette consommation sur leur bien-être. Bien sûr, plusieurs consomment pour se détendre ou pour apaiser leur anxiété. Ce qui m’a marquée, c’est que le cannabis leur procure aussi un moment d’introspection où ils réfléchissent à leur orientation sexuelle et à leur identité de genre et remettent en question les normes dominantes sur le genre et la sexualité.
On fait beaucoup de recherches participatives et artistiques: plutôt que de demander aux gens de répondre à un sondage ou de faire une entrevue, on les laisse s’exprimer à travers différents supports, comme la photo, la vidéo ou le balado. Pour l’étude sur la consommation de cannabis, les jeunes ont utilisé la photo pour raconter leur rapport à la consommation, à leur santé mentale et à leur identité sexuelle et de genre. On a ensuite organisé une exposition des photos. L’évènement a eu lieu peu après la pandémie et a permis à plusieurs de se rencontrer, de se reconnaître dans les expériences des autres et ainsi de briser un sentiment de solitude. Pour moi, c’est primordial d’offrir aux personnes participantes un retour significatif et ne pas juste extraire des données pour publier des articles scientifiques.
J’ai aussi pris part à un projet de recherche sur le puppy play [qui consiste à se déguiser et à imiter un chien], mené par Phillip Joy, de l’Université Mount Saint Vincent, en Nouvelle-Écosse, en collaboration avec Olivier Ferlatte, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Nous avons invité des hommes gais, bisexuels, trans ou queers qui appartiennent à la communauté puppy à réaliser des vidéos explorant les liens entre leur identité puppy et leur image corporelle. Certains se sont vraiment investis, allant jusqu’à créer des vidéos de 30 minutes qui ont été présentées dans des festivals à Toronto et à Vancouver. Pour moi, ce type de projet est une forme d’activisme : il s’agit de faire rayonner une communauté souvent stigmatisée, en valorisant ses voix et ses expériences.
Je m’intéresse particulièrement aux réalités vécues au carrefour des identités 2ELGBTQIA+ et d’autres formes de marginalisation, telles que l’origine ethnique ou le statut socioéconomique. Les initiatives en santé demeurent trop souvent centrées sur les personnes blanches et cisgenres, en particulier les hommes, alors que les femmes, les personnes non binaires et racisées issues des communautés LGBTQIA+ font face à des obstacles particuliers. Historiquement, la recherche sur la santé des personnes LGBTQ+ s’est concentrée sur le VIH, qui touche principalement les hommes gais. Comme dans beaucoup de domaines, les études sur les femmes et les personnes non binaires suscitent moins d’intérêt et obtiennent moins de financement. À mon arrivée au Canada, la majorité des lieux queers étaient fréquentés par des personnes blanches; aujourd’hui, au moins cinq organismes s’adressent spécifiquement aux personnes queers racisées. Je suis heureuse de voir le progrès qui a été fait dans le milieu communautaire ces dernières années. J’espère que la recherche va progresser de la même façon en intégrant une perspective intersectionnelle. Des initiatives comme la Clinique Mauve, affiliée à l’Institut universitaire SHERPA, qui travaille avec les personnes racisées et immigrantes LGBTQI+, sont, à mon avis, des exemples à suivre.