Mathieu Seppey

La diplomatie pour contrer les formes de discrimination
Mathieu Seppey (il)
Titulaire d’un doctorat en santé publique
École de santé publique
J’ai toujours été sensible aux inégalités sociales. Après un baccalauréat en science politique et une maîtrise en santé publique et développement international, j’ai été coopérant pour différentes organisations non gouvernementales. J’ai travaillé à un programme pour les personnes atteintes du VIH au Togo et pour un organisme qui lutte contre la violence basée sur le genre en Eswatini. Cette expérience m’a fait réaliser que l’aide humanitaire ne pouvait pas être la seule solution. C’est ce qui m’a décidé à faire un doctorat en santé publique. Mon parcours de formation est aussi lié à ma vie personnelle : j’ai fait mon coming out assez tard et, à partir de ce moment-là, je me suis intéressé aux questions LGBTIQ+.
Mon projet doctoral porte sur la gouvernance mondiale et son influence sur la santé des populations LGBTIQ+ dans quatre contextes : le droit international, les politiques de l’Organisation des Nations unies, la diplomatie canadienne et l’aide humanitaire. L’objectif est de déterminer quelles pratiques sont préjudiciables et comment on peut les transformer. Par exemple, certains organismes humanitaires distribuent de la nourriture aux mères de famille. En procédant ainsi, ils excluent les couples gais et les lesbiennes qui ne sont pas accompagnées d’un homme. C’est sans compter les personnes trans, qui n’oseront tout simplement pas se présenter. Les normes cishétéronormatives sont présentes partout dans notre société et se reflètent dans les politiques. Les membres du personnel des instances gouvernementales ou diplomatiques ou des organisations d’aide humanitaire ne comprennent pas toujours la distinction entre le sexe, le genre et l’orientation sexuelle. Il faut donc revenir à la base et déconstruire certaines idées : ainsi, une famille n’est pas uniquement un homme, une femme et des enfants.
On n’a qu’à regarder ce qui se passe chez nos voisins du Sud pour constater un recul des droits des personnes LGBTIQ+. L’instrumentalisation politique de ces communautés contribue à un malaise qui s’observe aussi au Canada. Cela dit, on a la chance de vivre dans un pays qui est perçu comme un leader de l’inclusivité et qui peut avoir une influence sur ce qui se passe sur la scène internationale. Ainsi, dans une étude de cas, j’ai remarqué les retombées positives qu’avaient des politiques internationales canadiennes d’embauche inclusive : pour les populations locales, un emploi au gouvernement canadien est considéré comme un refuge contre la discrimination. Grâce à ce genre de prise de position, les gouvernements peuvent créer des espaces plus sécuritaires pour les personnes appartenant aux communautés LGBTIQ+ et réellement améliorer leur situation tant ici qu’à l’étranger.
Pendant mon parcours universitaire, les questions LGBTIQ+ ont été très peu abordées et j’ai dû me former moi-même en faisant mes propres lectures. Il faut parler davantage de ces populations et cela vaut pour d’autres sous-groupes, comme les femmes, les peuples autochtones et les personnes racisées ou en situation de handicap. À l’ESPUM [École de santé publique de l’Université de Montréal], des efforts sont faits pour aborder ces questions et des membres du corps professoral traitent maintenant de sujets comme le chemsex [relation sexuelle avec consommation de drogue de synthèse] ou les « thérapies de conversion ». Il faut ouvrir le dialogue et s’interroger sur ce que vivent ces communautés à travers des lectures, des conférences, etc.
Au départ, j’avais moi-même une vision victimaire des communautés LGBTIQ+. Mes recherches m’ont permis de déconstruire cette préconception. J’ai pris conscience que ces personnes étaient présentes partout, peu importe le pays, la situation ou l’organisation. Même si elles ne s’affichent pas toujours, elles font évoluer les mentalités grâce à des actions concrètes. Je trouve ça très inspirant et rassurant.
Que diriez-vous aux jeunes qui souhaiteraient suivre vos traces?
On a besoin de vous! La diplomatie queer est un champ de recherche émergent et il y a une énorme place à prendre. Ce sont des questions importantes : il faut créer des ponts et convaincre qu’il est bénéfique d’inclure la diversité. C’est un effort collectif : on a besoin de la relève et de nouvelles idées pour faire avancer les choses.